Écart important entre l’offre et la demande
Le marché du logement locatif poursuit son vigoureux rebond des deux dernières années. La conjoncture relativement robuste dans notre pays soutient la demande, comme en témoigne l’immigration nette de la population résidante étrangère, qui avait augmenté de presque un tiers dès l’année dernière. Quelque 19 400 personnes sont venues s’ajouter sur les deux premiers mois de 2023 – soit une hausse de 24,8% par rapport à la même période 2022. Simultanément, aucune inversion de la tendance n’est décelable dans la construction: au cours des douze derniers mois, le nombre de logements locatifs autorisés à la construction a encore reculé de 1500 unités par rapport à la période précédente. L’écart entre l’offre et la demande continue donc de se creuser.
Moins d’annonces et des délais de commercialisation plus courts
Le taux d’offre – la part de logements proposés à la location – a certes augmenté de 3,8% à 4,3% au 1er trimestre 2023, mais il s’agit là sans doute d’un effet saisonnier. Le taux d’offre moyen lissé sur l’année a en effet continué de reculer à 4,4% – un niveau atteint pour la dernière fois en 2016. Dans le même temps la durée d’annonce, qui mesure la durée moyenne (médiane) pendant laquelle une annonce immobilière reste en ligne, s’inscrit également
en repli. Entre 2016 et 2020, la recherche d’un locataire prenait généralement entre 40 et 50 jours. Aujourd’hui, les annonces sont en moyenne retirées au bout de seulement 25 jours. Les personnes en quête d’un logement doivent donc faire preuve de plus en plus de réactivité, même si les durées actuelles ne sont pas extraordinairement courtes en comparaison à long terme. De nombreux secteurs étaient touchés par une suroffre entre 2015 et 2020, qui s’est progressivement résorbée.
Inversion de la tendance plus avancée en Suisse alémanique
La situation se révèle toutefois très disparate d’un marché régional à l’autre. L’examen des durées d’annonce dans les différents cantons confirme l’existence d’une «barrière de rösti», que nous avions déjà évoquée dans notre étude «Marché immobilier 2023» en mars de cette année en nous fondant sur les taux de vacance régionaux. En Suisse latine, la reprise sur le marché du logement locatif est moins avancée qu’en Suisse alémanique. La durée d’annonce s’est révélée proche de sa moyenne à long terme dans la plupart des cantons de Suisse occidentale – et même légèrement supérieure dans les cantons de Neuchâtel, du Jura et du Tessin. En revanche, elle a sensiblement diminué dans de nombreux cantons de Suisse alémanique, notamment dans les cantons de Zoug (–71%), Schwyz (–49%), Nidwald et Uri (–44%), ains que dans les Grisons (–57%).
La pénurie dans la ville de Zurich fait s’accroître la pression sur l’agglomération
La situation est particulièrement tendue sur le marché de l’agglomération de Zurich. Dans les régions de Zimmerberg, Limmattal et Pfannenstiel, limitrophes de la ville de Zurich, la durée d’annonce est inférieure de plus de 40% à la moyenne à long terme. Après 13 et 14 jours, les logements dans les régions de Zimmerberg et Limmattal disparaissent aujourd’hui en moyenne (médiane) aussi vite du marché que dans la ville de Zurich (14 jours). Cette évolution est sans doute liée à une activité de construction trop faible à Limmatstadt, qui ne parvient plus à couvrir la demande. Cette dernière se reporte donc sur les communes environnantes de l’agglomération – un effet qui s’est probablement encore renforcé avec la tendance au télétravail.
Forte baisse de l’offre aussi dans les régions loin des centres
La situation est quelque peu surprenante dans certaines régions loin des grands centres, où les taux d’offre et durées d’annonce ont parfois atteint de nouveaux planchers records. Au cours des quatre derniers trimestres, la vallée grisonne du Rhin et la région autour de la capitale cantonale Coire affichaient la troisième durée d’annonce la plus courte (10 jours) des 110 régions économiques du pays. Les régions touristiques de Davos (14 jours) et Brigue (21 jours) figurent également dans le top 20 des régions avec les durées d’annonce les plus courtes, sans doute aussi en raison de l’«effet télétravail». La région de Brigue profite en outre de la forte expansion du groupe chimico-pharmaceutique Lonza dans la commune de Viège toute proche, où la durée d’annonce a été presque divisée par deux. Dans les régions touristiques, la pression sur le marché locatif s’est aussi accrue du fait de l’augmentation de la demande de résidences secondaires. En raison de la loi fédérale sur les résidences secondaires, cette demande ne peut être couverte que par le parc existant, ce qui entraîne des réaffectations de résidences principales.
Forte hausse des loyers en Suisse centrale
L’offre en baisse et sa répartition géographique se reflète directement dans l’évolution des loyers du marché. La croissance s’est ici accélérée et les loyers proposés ont augmenté de 1,6% à l’échelle nationale en 2022. La plus forte progression a été enregistrée dans la région de Suisse centrale (+3,9%). À l’autre extrémité du spectre se trouve la Suisse latine, où les loyers proposés n’ont augmenté que de 0,3% dans l’Arc lémanique et ont même légèrement reculé en Suisse occidentale (–0,2%). L’écart entre l’offre et la demande étant peu susceptible de se combler à moyen terme, il faut s’attendre à une accélération de la hausse des loyers dans l’ensemble du pays (prévision 2023: +3,0%).
Synthèse: Pas encore de pénurie de logements, mais la tension augmente sur le marché
Le temps des bailleurs déplorant la hausse des taux de vacance et tentant d’attirer les locataires avec des loyers gratuits est révolu. Les personnes en quête d’un logement se voient aujourd’hui confrontées à une offre en berne et une augmentation des loyers. Dans la plupart des régions, il n’existe selon nous pourtant pas encore de réelle pénurie de logements. Plus que le taux d’offre actuel, c’est l’absence de tout signe d’inversion de la tendance qui devrait cependant inquiéter les locataires. La raréfaction va se poursuivre dans les trimestres à venir et bientôt aussi concerner les régions affichant aujourd’hui une offre de logements suffisante. L’activité de construction va en effet rester trop faible dans les une à deux prochaines années et la densification pourtant indispensable demeure pour l’heure trop hésitante.
(Source Fabian Waltert - Economist – Swiss Real Estate)
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